2024-04-19 Eva Illouz et Derek Penslar : “La gauche ne sait plus parler de ce qui se passe au Proche-Orient” par Marc-Olivier Bherer

Journaliste Marc-Olivier Bherer

Eva Illouz et Derek Penslar : “La gauche ne sait plus parler de ce qui se passe au Proche-Orient Eva Illouz et Derek Penslar “La gauche ne sait plus parler de ce qui se passe au Proche-Orient”

La sociologue franco-israélienne et le spécialiste d’histoire juive reviennent sur les débats qui agitent la gauche et le monde universitaire depuis le 7 octobre 2023, alors que le camp progressiste se déchire sur la position à adopter face au conflit israélo-palestinien

ENTRETIEN

Les massacres du 7 octobre 2023 commis par le Hamas en Israël et la riposte dans la bande de Gaza provoquent au sein de la gauche de vives divisions, particulièrement aux Etats-Unis, mais aussi en France et ailleurs.

Une partie du camp progressiste est en effet tentée par une défense radicale de la cause palestinienne. L’emblématique philosophe américaine Judith Butler a ainsi créé la polémique en déclarant, en mars, que les attaques de l’organisation islamiste constituaient “un acte de résistance”.

Aux Etats-Unis, une forte hausse des actes antisémites a été recensée sur les campus. Un antisionisme s’appuyant sur le vocabulaire venu des études postcoloniales, qui rencontrent un large écho au sein de la gauche , alimente en certains endroits la judéophobie .

Comment distinguer l’apport scientifique de ces nouvelles approches de leur usage militant ? Peuvent-elles nous aider à comprendre la situation d’Israël ? Et que nous disent ces évolutions de la gauche ?

Nous avons invité à débattre Eva Illouz, sociologue franco-israélienne et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, et Derek Penslar, professeur d’histoire juive à Harvard et codirecteur du groupe de travail sur l’antisémitisme au sein de cette université.

En août 2023, ils ont signé avec plusieurs centaines d’autres intellectuels juifs et israéliens la tribune “The Elephant in the Room”. Le texte dénonçait l’oubli de la question palestinienne dans le débat israélien et comparait l’occupation de la Cisjordanie à l’apartheid.

Depuis le 7 octobre 2023, la gauche apparaît divisée. Que vous inspirent les débats actuels ? Comment expliquez-vous cette fracture ?

Depuis le 7 octobre 2023, la gauche apparaît divisée par la difficulté de certains à condamner pleinement l’attaque du Hamas et par l’intervention militaire israélienne à Gaza. Que vous inspirent les débats actuels ? Comment expliquez-vous cette fracture ?

Eva Illouz, “Je reste profondément choquée par l’indifférence ou la joie avec laquelle une partie de la gauche a accueilli les crimes contre l’humanité que constituent les attaques du Hamas”

Je reste profondément choquée par l’indifférence ou la joie avec laquelle une partie de la gauche a accueilli les crimes contre l’humanité que constituent les attaques du Hamas . Cette réaction est d’autant plus choquante qu’elle provient de milieux intellectuels et universitaires. Les victimes israéliennes ont été littéralement déshumanisées .

Un tel manque de compassion s’explique par une profonde transformation de la gauche, qui s’est détournée de ses combats traditionnels pour le prolétariat et contre le racisme . Elle se mobilise désormais davantage en faveur du Sud global et contre le colonialisme.

Surtout, son positionnement n’est plus le même : elle a délaissé l’utopie au profit de la déconstruction, elle ne cherche plus à élaborer un projet politique .

La gauche se contente désormais de condamner différentes incarnations du mal :

  • l’Occident,

  • le patriarcat,

  • la blanchité,

  • la colonisation, etc.

Cette démonologie rend difficile, voire impossible, d’éprouver de la compassion pour un peuple qui est devenu une incarnation du mal : les Israéliens, coupables aux yeux de cette gauche d’avoir établi un Etat occidental, colonial et blanc.

Les juifs ont de plus le défaut d’avoir subi le mauvais crime, l’extermination, et non la colonisation.

La Shoah fait désormais l’objet d’une forme de relativisme qui vient contester la place qu’elle occupe depuis les années 1960, où elle représentait dans les mémoires le mal absolu. Il est vrai que, de ce fait, elle avait éclipsé d’autres grands crimes contre l’humanité comme l’esclavage et le colonialisme. Mais aujourd’hui la Shoah est soumise à des inversions morales proches du négationnisme.

Un exemple : en février, le président brésilien Lula a comparé les Israéliens aux nazis. La gauche, empêtrée dans ce genre de discours, ne sait plus parler de ce qui se passe au Proche-Orient.

Derek Penslar “L’incapacité d’une partie de la gauche à condamner l’occupation sans glorifier cette boucherie est pitoyable”

Le problème ne vient pas de la critique des bombardements sur Gaza par Israël, raids qui ont entraîné la perte de milliers de vies humaines.

C’est en effet plutôt la joie avec laquelle certains ont accueilli les massacres du 7 octobre qui est profondément troublante .

Au lendemain de ces événements, une professeure de l’université Yale [Connecticut] a ainsi soutenu ces attaques, en affirmant notamment que les victimes n’étaient pas des civils. Une association étudiante à l’université Tufts [Massachusetts] s’est, elle, félicitée de la “créativité” des assaillants.

L’occupation de la Cisjordanie doit cesser. Cependant, cela ne justifie pas les événements du 7 octobre. L’incapacité d’une partie de la gauche à condamner l’occupation sans glorifier cette boucherie est pitoyable .

L’hostilité d’une partie de la gauche à l’égard d’Israël ne date pas d’hier. Dès les années 1960, l’URSS en fait un agent de l’impérialisme occidental.

Un discours similaire commence à s’installer en Europe et aux Etats-Unis après la guerre des Six-Jours de 1967 et la guerre de Kippour en 1973. Deux ans plus tard, l’ONU assimile le sionisme au colonialisme et au racisme . A l’époque, un rapprochement entre certains milieux militants de la cause palestinienne et des mouvements de libération noire aux Etats-Unis s’observe également.

Cette effervescence fait qu’à l’extrême gauche l’antisémitisme se banalise : les juifs sont accusés de contrôler les médias, la politique et l’économie. La concurrence entre la Shoah et l’esclavage s’installe.

Si ce discours n’est pas nouveau, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?

Derek Penslar

C’est en partie une question d’échelle : ces phénomènes sont bien plus répandus à notre époque. En outre, la communauté juive n’en est plus au même point aux Etats-Unis. La seconde moitié du XXe siècle y représente pour elle un âge d’or. Les dernières barrières s’opposant à son intégration tombent, et les juifs rejoignent en masse les universités d’élite, au point qu’ils ont pu former un quart, voire un tiers de la population étudiante de certaines d’entre elles. Les juifs ont ainsi accès à un meilleur statut social, à une plus grande prospérité. Cet âge d’or est aujourd’hui révolu.

Les universités les plus prestigieuses ont changé leurs critères d’admission, notamment sous l’impulsion de la discrimination positive et de politiques qui partagent les mêmes objectifs. Un nombre croissant d’étudiants de très haut niveau et de différentes origines candidatent aujourd’hui, alors que le nombre de places disponibles reste limité. Il devient dès lors plus difficile d’accéder à ces institutions, y compris pour la communauté juive, et, par conséquent, d’obtenir les postes les plus convoités sur le marché du travail.

Ce n’est donc pas simplement qu’un nombre croissant de personnes épouse un point de vue hostile envers les juifs, c’est aussi que cette communauté se trouve en proie au malaise, à des angoisses socio-économiques. Ce qui explique, en partie, la panique qui s’est emparée de certains juifs sur les campus américains.

Eva Illouz

Le mouvement des droits civiques a vu l’essor d’une alliance entre les communautés noire et juive aux Etats-Unis. Son point culminant est peut-être la marche de Selma à Montgomery [Alabama] en 1965 où le rabbin Abraham Joshua Heschel défile alors main dans la main avec le révérend Martin Luther King. Mais, si cette alliance est aujourd’hui révolue, ce n’est pas à cause de l’anxiété sociale désormais ressentie par les juifs.

Dès les années 1970, les liens commencent à se défaire. Les juifs profitent d’une ascension sociale très rapide, provoquant l’essor d’un antagonisme de classe. Ces tensions augmentent encore du fait de la concurrence victimaire qui se développe aussi entre ces deux communautés.

Il y a enfin une rupture idéologique. Les juifs ont embrassé l’universalisme et le libéralisme politique, et se sont opposés pour certains à la discrimination positive, alors que les Afro-Américains la jugeaient essentielle.

L’identité en est venue à occuper une place croissante dans l’engagement politique de ces derniers, tout comme la volonté de transformer la société américaine de façon radicale. C’est ce qui explique que ces deux communautés se divisent, et le discours décolonial qui se diffuse dans les universités américaines à partir des années 1990 accentue leur différend idéologique.

Justement, la perspective coloniale vous semble-t-elle utile pour analyser l’histoire du sionisme et d’Israël ?

Derek Penslar, “Cependant, à différents points de vue, l’occupation de la Cisjordanie est similaire à l’apartheid”

Apartheid, colonialisme, colonisation de peuplement sont des termes qui se prêtent à différents usages. Les employer à des fins militantes pour s’en prendre à la légitimité d’Israël me semble puéril et vain. On ne trouve pas en Israël un régime d’apartheid identique à celui de l’Afrique du Sud d’avant 1991. Les citoyens arabes d’Israël sont certes victimes de discriminations, mais ils ne vivent pas sous le coup d’une politique de ségrégation raciale.

Cependant, à différents points de vue, l’occupation de la Cisjordanie est similaire à l’apartheid. La convention de l’ONU sur l’apartheid, adoptée en 1973, le décrit comme un régime organisé de manière à “empêcher un ou des groupes raciaux de prendre part à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays et (…) à priver ces groupes de leurs droits humains les plus élémentaires”. Si on remplace l’expression “groupe racial” par le terme de peuple, on décrit une situation qui ressemble étroitement à l’occupation de la Cisjordanie .

Quant à la colonisation de peuplement, cette notion peut nous aider à comprendre l’histoire d’Israël parce que le sionisme, lorsqu’il prend forme au début du XXe siècle, s’appuie sur le colonialisme des grandes puissances de l’époque. Les fondateurs du mouvement sioniste reconnaissaient pleinement que leur projet dépendait de Londres et de Paris.

Autre élément qui rapproche le sionisme de la culture coloniale, plusieurs de ses chefs de file considéraient la population arabe avec paternalisme .

Enfin, depuis 1967, la construction d’enclaves juives en Cisjordanie n’est rien d’autre que du colonialisme, puisque des citoyens israéliens vivent sur un territoire occupé .

A ce constat, j’ajoute que le sionisme ne se laisse pas pour autant réduire au colonialisme de peuplement. L’attachement des juifs à la terre d’Israël remonte à l’Antiquité et ne date pas simplement de l’époque coloniale. Il faut également ajouter que le projet sioniste est pluriel, puisque les juifs européens ne sont pas les seuls à y adhérer : des juifs d’Afrique et d’Asie aussi. Israël ne dépend pas d’une métropole lointaine.

Toutes ces raisons font que le colonialisme n’est que l’un des horizons conceptuels qui peuvent être employés pour aborder l’histoire d’Israël.

Eva Illouz

La naissance du sionisme doit en effet beaucoup au colonialisme européen, que l’on pense aux accords Sykes-Picot [plan de partage du Proche-Orient entre la France et le Royaume-Uni adopté en 1916] ou à la déclaration Balfour [par laquelle Londres affirme en 1917 son soutien au sionisme].

Le colonialisme juif se concevait cependant comme un retour à la terre ancestrale, et non comme la conquête de territoires nouveaux. Appliqué à Israël, le colonialisme est trop souvent abordé en faisant abstraction de la spécificité de la condition des juifs.

Ils ont été opprimés, massacrés ou expulsés presque partout en Europe comme dans le monde musulman.

On oublie que près d’un million d’entre eux s’enfuient ou sont renvoyés des pays à majorité musulmane au XXe siècle et deviennent des réfugiés.

Aujourd’hui, la condition des 16 millions de juifs dans le monde n’a pas changé, en ce sens que leur sécurité n’est toujours pas assurée .

Le 7 octobre 2023 vient nous rappeler la persistance du problème juif : comment faire pour permettre à ce peuple de vivre sans craindre le prochain massacre, le prochain génocide ?

Comme le disait Sartre, le problème ne concerne pas que les juifs : le monde entier doit s’en préoccuper.

Israël a été fondé pour y apporter une réponse, le seul sens du sionisme est là .

Parce qu’il a toujours été entouré de pays ennemis, Israël est devenu une forteresse militaire. Sécurité et démocratie n’ont jamais fait bon ménage, même si le pays a essayé de préserver l’équilibre entre les deux. L’occupation de la Cisjordanie et le projet d’annexion des territoires palestiniens poursuivis par les colons risquent maintenant de faire basculer Israël. Le 7 octobre démontre que, si l’on veut préserver la sécurité de l’Etat hébreu, mettre fin à l’occupation et trouver une issue politique au conflit avec les Palestiniens sont une nécessité absolue .

Selon vous, qu’est-ce que l’antisionisme ? Relève-t-il de la judéophobie ?

La critique d’Israël peut tourner à la diabolisation et son existence est régulièrement remise en question au nom de positions qui se disent antisionistes. Selon vous, qu’est-ce que l’antisionisme ? Relève-t-il de la judéophobie ?

Eva Illouz, “L’antisémitisme prétend toujours défendre une cause morale”

Cette question demande que l’on revienne d’abord sur ce qu’est l’antisémitisme .

Il repose sur une obsession pour les juifs, auxquels sont attribués un pouvoir et une malveillance qu’ils n’ont pas. La vulnérabilité de ce peuple minuscule est niée ou occultée.

A partir de cette base, l’antisémitisme sait s’adapter aux circonstances historiques propres à chaque époque. Par le passé, l’antisémitisme a eu des sources religieuses, puis il s’est sécularisé et s’est appuyé sur un discours raciste prétendument scientifique ou marxiste.

L’antisémitisme prétend toujours défendre une cause morale .

Aujourd’hui, la haine des juifs apparaît sous la forme d’un engagement passionné contre Israël, un “Etat colonial” .

La défense de la cause palestinienne prend une dimension morale : une injustice fondamentale est commise, et la ferveur antisioniste atteint un tel niveau que l’on en vient à nier aux juifs le droit de disposer d’une patrie et d’en assurer la sécurité, ce qui n’est pas loin de l’antisémitisme .

Israël est le seul pays dont la légitimité est ainsi remise en cause.

C’est en outre le seul dont l’existence repose sur le soutien et l’accord de la communauté internationale : il voit le jour en 1948 grâce au vote à l’ONU, l’année précédente, du plan de partage de la Palestine. Cet accord n’a jamais été aussi fragile.

J’admets toutes les critiques d’Israël, mais à la condition que l’on ne remette pas en cause son existence. De même, je refuse de céder face aux Israéliens et aux juifs de droite qui cherchent à empêcher le débat en lançant des accusations d’antisémitisme dès que la moindre critique de l’Etat hébreu est émise. Cette instrumentalisation de l’antisémitisme porte préjudice aux juifs eux-mêmes .

Derek Penslar

L’antisémitisme et l’antisionisme sont des phénomènes apparentés, mais ils restent distincts sur le plan conceptuel.

Il faut en effet rappeler l’existence d’un antisionisme juif qui apparaît dès l’essor du sionisme à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Différentes raisons étaient évoquées.

Certains opposants étaient bundistes : ils appartenaient à un mouvement ouvrier [Bund], né en Pologne, considérant que le sionisme était un courant de pensée bourgeois, contraire aux intérêts des prolétaires.

D’autres juifs s’opposent à Israël par universalisme et rejet du nationalisme en général.

Des motifs religieux ou culturels sont encore aujourd’hui cités par des juifs hostiles à l’existence d’Israël.

Une autre forme d’antisionisme émerge dans les années 1970, alors que la cause palestinienne commence à trouver des relais à travers le monde. Ce n’est qu’à partir de ce moment que l’antisionisme et l’antisémitisme deviennent, à proprement parler, liés .

L’opposition à l’existence d’Israël emprunte le vocabulaire et des notions propres à l’antisémitisme : Israël dicterait au monde sa conduite, ou encore Israël, sans être la seule puissance malveillante du globe, exercerait une influence particulièrement néfaste. Ce type de discours reprend les préjugés les plus répandus à l’encontre des juifs, exagérant le pouvoir qu’ils détiennent, la portée de leur influence tout en les désignant comme des êtres fondamentalement mal intentionnés.

Les différentes définitions de l’antisémitisme ont toutes en commun de considérer que nier le droit des juifs à disposer d’une patrie, à vivre en paix et en sécurité, tout particulièrement après la Shoah, relève de la judéophobie.

Eva Illouz

Nous devons prendre garde à la confusion des termes, car certains en profitent pour faire avancer leurs idées antisémites.

Un professeur d’histoire intellectuelle arabe à l’université Columbia (New York) prétend que l’on peut tout à fait être antisioniste, puisque des juifs le sont. C’est une stratégie efficace et redoutable, car elle passe sous silence la différence fondamentale qui existe entre l’antisionisme d’un juif bundiste et celui d’un partisan d’une Palestine sans plus aucun juif .

Croyez-vous qu’il faille continuer d’armer Israël ou bien conditionner la livraison de matériel militaire ?

La pétition “The Elephant in the Room” demandait aux Etats-Unis de restreindre l’aide militaire qu’ils accordent à Israël. Après les massacres du 7 octobre 2023, et alors que la Cour internationale de justice évoque “un risque plausible de génocide” à Gaza, croyez-vous qu’il faille continuer d’armer Israël ou bien conditionner la livraison de matériel militaire ?

Eva Illouz

Cette question me laisse dans l’ambivalence. Lorsque j’ai signé la pétition “The Elephant in the Room”, je ne voyais les Palestiniens qu’à travers le prisme de la dépossession. Je les considérais comme des victimes, des frères et des sœurs, non comme des ennemis. Depuis le 7 octobre 2023, je prends davantage au sérieux l’antisémitisme viscéral et les intentions génocidaires du Hamas .

Tout Etat a le droit de se défendre, particulièrement contre une organisation comme le Hamas, qui a le projet de récupérer toute la Palestine . Il est dans l’intérêt du monde d’éliminer cette organisation et d’affaiblir ses soutiens à Téhéran.

Nous faisons face à une situation proche de celle qui existe en Ukraine. Le monde dit “libre” ne fournit pas des armes à ce pays par bonté de cœur, mais pour protéger ses intérêts.

Mais je pense également que l’Etat hébreu est aujourd’hui dirigé par le pire gouvernement de son histoire.

Sans constituer un génocide, cette guerre a entraîné la mort d’un nombre disproportionné de civils, sans parler de la catastrophe humanitaire en cours.

N’oublions pas non plus que l’un des principaux objectifs n’a toujours pas été atteint : les otages israéliens restent en captivité. Israël souhaite maintenant riposter à l’attaque aérienne menée par l’Iran dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, ce qui est une erreur.

Il vaudrait mieux s’employer à préserver le soutien international dont Israël a bénéficié pour faire face à l’attaque iranienne. L’aide apportée par le Royaume-Uni, la France et surtout la Jordanie et l’Arabie saoudite est d’une importance majeure. La seule façon de renforcer cette coalition stratégique est de chercher une solution politique au conflit.

Si on veut affaiblir l’Iran, il faut construire une alliance avec l’Arabie saoudite, qui ne le fera que si nous aidons les Palestiniens à construire un Etat.

Derek Penslar

N’étant pas un expert en droit international, je ne suis pas en mesure de vous dire si un génocide est en cours.

Mais des milliers d’innocents ont été tués à Gaza. Certes, le Hamas se cache au sein de la population civile et Israël cherche à atteindre ses tunnels par de lourds bombardements.

Mais à quel prix en matière de vies humaines ? Combien d’innocents devront être tués avant que l’on en revienne au seul objectif politique viable, réconcilier Israël et les Palestiniens ?

Apporter une aide militaire à Israël, sans y attacher de conditions, ne sert pas les intérêts américains, israéliens, ou de quiconque.

Israël poursuit une politique destructrice qui le menace également à plus long terme. Les Etats-Unis doivent soutenir le droit d’Israël à se défendre, sans lui accorder un blanc-seing. Ils doivent également exiger qu’un processus politique soit engagé afin de mettre fin à cette guerre.

L’Autorité palestinienne, aujourd’hui affaiblie, doit être renforcée.

Le gouvernement israélien se démène depuis des années pour empêcher l’établissement d’un Etat palestinien et affaiblir les forces les plus modérées au sein de l’Autorité palestinienne. C’est une des causes de la tragédie actuelle.

Ce n’est pas avec le Hamas que l’on fera la paix, l’idéologie haineuse qu’il professe fièrement l’interdit.

Quatre scénarios s’offrent à nous. Un Etat dominé par les juifs, sans Arabes, ou opprimant les Arabes.

A l’inverse, certains fantasment un Etat arabe dont les juifs auraient été exclus, en les chassant du territoire ou en les tuant.

Ces deux premiers scénarios sont inenvisageables.

On peut, sinon, souhaiter l’établissement de deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, liés l’un à l’autre de manière plus ou moins formelle.

Ou alors un seul Etat dans lequel juifs et Arabes coexisteraient.

Près de quatre-vingts ans après les premiers débats à l’ONU sur l’avenir de la Palestine, nous en sommes toujours au même point.

La seule différence est qu’Israël ne va pas disparaître, pas plus que les 7 millions de juifs qui y vivent. Prétendre autre chose est risible et insultant.