2012-03-25 KW12 (2012) La semaine où le mal ressurgissait en France par Christophe Neff

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KW12 (2012) La semaine où le mal ressurgissait en France

Quand j’appris le lundi matin 19 mars pendant mon trajet journalier vers Karlsruhe en écoutant les infos de 9 h les premiers récits du drame de Toulouse, – la tuerie dans l’école juive Ozar-Hatorah quand j’apprenais les détails de cette tuerie – je sus que le mal, le mal absolu ressurgissait une fois de plus en France.

Quelque jours plus tard Gerow von Randow avait même intitulé son analyse des évènements de Toulouse “Mordserie in Frankreich – Einfall des Bösen (Série des Meurtres en France – raid du mal)” dans la Zeit en utilisant le terme de mal .

Ce raid du mal , pour rappeler la chronologie, commença par l’assassinat de Imad Ibn Ziaten le Dimanche 11 mars, suivit l’assasinat de Mohamed Legouad et Abel Chennouf le Jeudi 15 mars à Montauban – et finalement lundi 19 mars devant l’école juive Ozar-Hatorah à Toulouse sont sauvagement abattus Jonathan Sandler et ses deux fils Ariel et Gabriel, et Myriam Monsonego la fille du directeur de l’école, Yaakov Monsonégo.

La couverture de la Libération du 20.3.2012 en hommage des victimes du tueur en série – a même trouvé son chemin dans le paysage médiatique allemand par l’article de Jürg Altweg dans la FAZNET – tödliche – tödliche Schüsse – nur die Namen der Opfer (coups mortels – seulement les noms des victimes).

La main qui attrapa par les cheveux la petite Myriam Monsonego 8 ans pour l’abattre froidement – cette main fut la main du mal absolu !

Cette même main froide du mal absolu des médecins assassins à Grafeneck dans le Jura souabe où plus de 10 654 personnes handicapées venant de Bavière, de Bade et du Wurtemberg furent assassinées durant l’action T 4 .

Cette même main froide du mal absolu des Einsatzgruppen de la SS, – du Sonderkommando 4 sous les ordres de Paul Blobel à Babi Yar durant la shoah par balles .

Cette même main froide du mal absolu des bourreaux de Radtko Mladic à Srebrenica .

Cette même main froide du mal absolu du GIA qui égorgeait, éventrait, massacrait les populations rurales dans les djebels algériens durant les années 1990.

Et soudain cette main du mal absolu réapparaît en France – elle tue de sang-froid des enfants à cause de leurs appartenances religieuses , froidement et sans scrupules.

Froidement et sans scrupules parce que c’était des enfants juifs .

Je finis ce billet avec une citation de Jorge Semprun

“Il m’a semblé alors, dans le silence qui a suivi le récit du survivant d’Auschwitz, dont l’horreur gluante nous empêchait encore de respirer aisément, qu’une étrange continuité, une cohérence mystérieuse mais rayonnante gouvernait le cours des choses.

De nos discussions sur les romans de Malraux et l’essai de Kant, où s’élabore la théorie du mal radical , das radikal Böse , jusqu’au récit du Juif polonais du Sonderkommando d’Auschwitz – en passant par les conversations dominicales du block 56 du petit camp, autour de mon maître Maurice Halbwachs – c’était une même méditation qui s’articulait impérieusement. Une méditation, pour le dire avec les mots qu’André Malraux écrirait seulement trente ans plus tard, sur “la région cruciale de l’âme où le Mal absolu s’oppose à la fraternité (Jorge Semprun 1994, 65)”.

Œuvres citées

Semprun, Jorge (1994) : L’écriture ou la vie. Paris, (Gallimard), ISBN 2-07-074049-8

Christophe Neff, le 25.03.2012