olia 2023-04-16 Olia Maruani du RAAR sur le soulèvement du ghetto de Varsovie

Introduction

Je passe maintenant la parole à notre amie militante du RAAR Olia Maruani pour un texte personnel si je puis dire à propos de ce que signifie l’insurrection

On l’écoute, on accueille et on réfléchit à ce qu’elle va nous dire.

Normalement c’est la dernière intervention donc merci d’avoir été aussi patient

Olia Maruani du RAAR sur le soulèvement du ghetto de Varsovie

Je vais essayer de pas être trop longue donc au moment de réfléchir à l’événement qu’on allait organiser avec le RAAR aujourd’hui on a choisi de rendre hommage aux insurgés du ghetto c’est à dire aux hommes et aux femmes qui, dos au mur face à une mort certaine ont décidé de se soulever au nom de leur dignité pour l’histoire.

Je me garderai bien expliquer ici le sens de cette insurrection tout ce qu’on sait c’est qu’ils se sont soulevés il y a d’abord eu à vaincre l’incrédulité devant la réalité et l’imminence de la menace même si dès 1939 les briques sont empilées les barbelés sont installés il faut du temps pour réaliser que ces murs n’offrent pas de protection contre l’extérieur ne permettent pas l’autonomie d’un peuple réuni et maître de ses décisions mais celles bien l’emprisonnement de 400 000 personnes soumises à l’arbitraire le plus total

Ensuite il faut prendre la distance d’avec la propagande nazie qui promettait travail et nourriture à ceux que l’on obligeait à monter dans ces trains vers l’Est nombreux sont ceux qui pensaient encore qu’en étant méritant les quelques privilèges qui appartenaient désormais à leur passé pourraient et quand même leur offrir un meilleur futur

Il faudra attendre un rescapé de Treblinka pour comprendre qu’il ne s’agit pas de camp de travaux mais bien de camps de la mort vers lesquels hommes femmes vieillards et enfants sont envoyés.

Tout le monde va mourir. Même les enfants.

C’est d’ailleurs lorsqu’il le comprend après la grande déportation de masse de juillet 1942 que Adam Czerniakow chef du Judenrat se suicide. Ses compromission auront été vaines .

Enfin il faut s’unir et s’organiser. Quand le 15 avril 42 la trentaine de militants du Zukunft le mouvement de jeunesse du Bund renonce aux illusions d’avenir qui est pourtant le nom même de leur organisation ils choisissent d’agir avec dignité: non pas se suicider mais mourir les armes à la main.

A force de compromis ils seront finalement 750 combattants à résister jusqu’au dernier. Il y a bien sûr une dimension héroïque à prendre les armes alors que la mort est le seul horizon mais paradoxalement il semble que leur certitude de livrer l’ultime combat eet annihilé la paralysie de la peur face à la mort. Alors que cette dernière est à chaque coin de ruelle provoquée par la maladie la faim, le froid, les assassinats ou les déportations, la vie se réaffirme de plus belle en prenant la forme du soulèvement au quotidien.

Tout acte même le plus dérisoire devient résistance : les cantines improvisées pour les enfants, une pièce de théâtre, une lecture de poèmes ou encore le fait de brûler sa fourrure en plein hiver pour qu’elle n’aille réchauffer ni le coeur ni le dos d’un officier nazi.

Je me révolte donc nous sommes de Camus

“Je me révolte donc nous sommes.”

Cette phrase de l’Homme révolté de Camus synthétise les formes de cette résistance qui ne pouvait s’unifier au-delà des murs du ghetto qui était fragmentaire par contrainte. Contrainte de l’oppresseur mais aussi contraintes internes tant géographique que politique.

Pourtant, le je debout de Benjamin Fondane à Paris, le je de Zuzanna Ginczanka effrayée à Cracovie, le je des évadés de Bunchewald, le je du juste qui cachait des enfants ou de celle qui déposait du pain, et ce je des insurgés de Varsovie, tous ces je clairsemés, criaient nous .

D’ailleurs en 43 le 2 août Treblinka se soulève et le 14 octobre c’est au tour de Sobibor

Pourtant les Alliés restent sourds à ces cris d’unité

Pourtant les Alliés restent sourds à ces cris d’unité .

Cette leçon de real politique qui sous un vernis de sage compromis n’est en fait que lâche compromission nous montre bien que le mal n’est pas seulement nazi mais bien humain.

Le vrai réalisme politique aurait été de mettre tous les moyens en œuvre pour lutter contre les assassins mais trop souvent nous nous laissons aller à cette résignation fataliste qui voudrait que l’individu s’adapte à la supériorité écrasante du mal or le mal change perpétuellement de visage et notre tâche itérative est de démasquer chacune de ces nouvelles apparitions

C’est peut-être ça l’héritage des insurgés du ghetto de Varsovie dont ils nous incombent de nous montrer dignes. Notre tâche est de veiller toujours de débusquer les flammèches et de les étouffer avant qu’elle ne provoque l’incendie

Cette tâche n’est pas aisée.

La complexité du monde quand on contemporain nous plongeons un certitude et l’anxiété nous cherchons des réponses désignant à la va-vite des responsables sans nous rendre compte que le terrain est idéal au mouvement de masse réactionnaire

Ne pas perdre de temps à ne pas y croire. Ne pas perdre de temps à essayer de négocier. Ne pas perdre de temps dans des guéguères de boutiques voilà ce que nous pouvons retenir sans dénaturer le sens du passé?

Ne nous satisfaisons pas d’obtenir certains avantages au privilège au sein d’un système actuel injuste Exigeons à l’instant une société idéale revendiquons l’utopie organisons-nous pour que tous ces jeux disparates deviennent un “nous” puissant parce qu’en face l’ennemi lui il s’organise

Il est déjà en nombre à l’Assemblée nationale, il ratonne dans les rues, vandalise des libariries attaque des maires qui veulent accueillir des réfugiés

Pendant ce temps le gouvernement regarde ailleurs, invective ceux qui dénoncent le danger ou pire criminalise les courageux qui n’hésitent pas à se battre contre les fachos

Des alliances saugrenues se forment où les haines s’accumulent s’accommodent les unes des autres à l’envie.

A l’écrit comme à l’oral nous ne cessons de recevoir à la figure les postillons nauséabonds de ces rhéteurs qui essentialisent, personnifient, préjugent.

Léon chestov

Comme disait Léon Chestov dans Athènes et Jérusalem : “la liberté ne consiste pas dans la possibilité de choisir entre le bien et le mal ; elle consiste dans la force et le pouvoir de ne pas admettre le mal

Ayant la force de ne pas admettre le mal nous avons le pouvoir de ne pas rester indifférent à la souffrance de nos semblables aux injustices subies aux soumissions forcées aux discriminations insupportables et humiliante à la guerre à nos portes et aux familles qui la fuit .

Zakhor comme le dit la Bible, souviens toi

“Zakhor” comme le dit la Bible “Souviens-toi”

Souviens-toi que tu as été paria sans papier nu et humilié. Qu’on a tué tes parents et tes enfants Souviens-toi que tu t’es soulevé pour ta dignité Entend les cris de ceux qui sont morts à tes côtés.

“Zakhor”.

Et ne reste pas sourd aux cris du présent .

Albert Herszkowicz

Merci pour ce cri qui nous bouleverse et qui nous touche et qui sera suivie immédiatement par une nouvelle version de la marche des partisans

Je sais que le temps est long ne partez pas tout de suite car nous devons encore chanter tous ensemble le chant des marais, le chant des déportés.

Avec et j’en profite d’une seconde pour remercier à nouveau nos amis de solidaire Paris qui non seulement nous ont prêté le matériel mais qui sont là avec nous toute l’après-midi qui règle sans cesse les micros.

Merci Patrick merci Benoît merci Elsa je le répète je l’ai dit en premier et je le redis maintenant je suis vraiment très très très touché par votre soutien.

Juste un petit point nous avons appris par l’accordéoniste qui nous a accompagné tout à l’heure que nous venons de rencontrer aujourd’hui qui vient de Moldavie que sa famille la famille de ses grands-parents avaient hébergé avait abrité et caché une famille juive pendant la guerre donc ça m’a beaucoup touché.